Coach agile mettant en place les méthodes agiles chez mes clients, on me demande souvent de nouveaux exercices de rétrospectives. En effet, la rétrospective est un élément primordial en Agilité et il est parfois difficile d’animer un vingtaine de rétrospective par an sans tomber dans la routine.
Aussi nous présenterons ici “Turn the tables” ! Enjoy !
L’un des challenges les plus difficiles d’un Scrum Master est d’animer une rétrospective.
En animer une est plutôt aisé : chaque Scrum Master impliqué a lu la bible de la rétro agile : “Agile Retrospectives – Making Good Teams Great” de “Esther Derby and Diana Larsen” (et si vous ne l’avez pas encore lu, je ne peux que vous en conseiller la lecture).
Il suffit donc de suivre les conseils du livre et votre rétro devrait plutôt bien se passer.
Mais si vous avez, comme la plupart des équipes Scrum, des itérations de 2 semaines, cela veut dire que vous allez être amené à animer une vingtaine de rétro dans l’année !
Et le challenge commence à devenir intéressant :
- Comment garder les équipiers actifs et intéressés ?
- Comment éviter la monotonie des rétros toujours les mêmes ?
- Comment trouver une idée différente et originale à chaque itération ?
Dans cet article, je vous présenterai un exercice concret qui je l’espère boostera votre prochaine rétro.
“Turn the tables” (c’est le nom que j’ai donné à cette rétrospective) est basé sur la structure décrite dans le livre de Diana et Esther:
- Mise en place
- Récolter les données
- Générer les idées
- Décider quoi faire
- Clore la rétrospective
“Turn the tables” se concentrera autour des phases 2 (Récolter les données) et 3 (Générer les idées) avec une idée innovante. Vous pourrez choisir les activités des autres étapes parmi les nombreuses activités classiques. Nous verrons néanmoins un exemple pour chaque étape directement applicable pour construire votre prochaine rétrospective.
Turn the table
Nombre de participants : 3 ~ 6 personnes.
Matériel : des cartes (autocollantes ou pas) vertes et rouges, un tableau blanc.
Temps nécessaire : 1 heure.
1. Mise en place
Si les équipiers n’ont pas l’habitude des rétrospectives, n’hésitez pas à rappeler les principes de la rétro (endroit protégé pour parler, exercice pour s’améliorer en équipe, etc.).
Vous pouvez ensuite enchaîner par l’activité “Check-in” activity (activité 4.1, p.42 du livre de Diana et Esther).
C’est un moyen de démarrer en douceur et de laisser l’occasion à chaque participant de parler, ne serait-ce qu’un mot ou deux. C’est aussi un bon indicateur de l’état d’esprit de l’équipe.
Par exemple, on peut demander à chaque équipier comment il a vécu le sprint courant, sur une échelle de 1 (mal) à 5 (très bien). Vous pouvez ensuite dessiner les résultats sur le tableau blanc (et éventuellement prendre une photo pour l’envoyer à l’équipe après la rétro).
2. Récolter les données
Demandez à chaque participant d’écrire au maximum sur deux cartes rouges et deux cartes vertes les choses qui se sont bien déroulées pendant le sprint et les choses qui pourraient être améliorées. Demandez aux participants de n’écrire qu’un mot ou deux pour décrire au mieux leur idée.
Il est important de respecter ces consignes.
Si on vous demande pourquoi, ou si les participants vous disent que c’est contraignant, demandez leur de jouer le jeu et de vous faire confiance : ils comprendront très vite pourquoi.
Si vous avez le matériel nécessaire, il est préférable d’écrire les choses positives sur les cartes vertes et les choses à améliorer sur les cartes rouges. Utilisez des marqueurs et écrivez assez gros pour que tout le monde dans la pièce puisse lire les cartes.
Une fois que tout le monde a fini, demandez aux participants de donner leurs deux cartes rouges à la personne située sur leur gauche, et leurs deux cartes vertes à la personne située sur leur droite.
Dès lors, vous pouvez expliquer pourquoi il était important de n’écrire qu’un seul mot sur la carte : parce que c’est quelqu’un d’autre qui va présenter la carte à votre place !
Demandez alors aux participants de présenter brièvement la carte qu’ils ont dans les mains (celle de leur co-équipier) en essayant de se mettre dans la peau de leur collaborateur.
Cet exercice a plusieurs bénéfices. Tout d’abord, c’est amusant (si si, vous verrez). Ensuite, il est intéressant de deviner ce que les autres veulent dire et d’imaginer comment ils ont vécu leur sprint. Parfois, des personnes travaillent à côté l’un de l’autre mais ne se parlent pas beaucoup. Dans les équipes multidisciplinaires, il arrive que les développeurs aient du mal à se reprsenter le travail des testeurs, du product owner, et vice versa.
En ce sens, cet exercice peut améliorer la cohésion de l’équipe et atténuer les malentendus.
Variante
Après chaque présentatino de la carte, demandez à l’autre original de la carte de noter la pertinence de l’explication sur une échelle de 1 (“ce n’est pas du tout ce que je voulais dire”) à 5 (“Je n’aurais pas pu mieux l’expliquer”).
Dessinez les notes au tableau : c’est un bon indicateur de la cohésion et de la communication au sein de l’équipe.
Il peut arriver que les gens soient frustrés parce que l’explication ne comprend pas exactement à ce qu’ils voulaient dire. Au besoin : l’auteur de la carte peut compléter la description, mais assurez vous que ce soit bref.
Cette étape se termine quand toutes les cartes ont été présentées.
Si vous le voulez, vous pouvez demander aux participants de commencer par les cartes vertes, et tourner dans le sens des aiguilles d’une montre et recommencer avec les cartes rouges une fois que toutes les vertes ont été présentées.
Vous pouvez aussi décider d’alterner une verte et une rouge par personne.
C’est à vous de décider mais attention au temps ! En tant que ScrumMaster la gestion du temps est souvent votre responsabilité.
3. Générer les idées
Après que chaque carte ait été présentée, demandez aux participants de passer les cartes rouges qu’ils ont en main à la personne à leur gauche (les cartes rouges ne doivent pas revenir dans les mains de leur auteur).
Laissez les cartes vertes au milieu de la table.
Maintenant, les participants ont des cartes rouges (écrites par quelqu’un d’autre) dans leur main.
Demandez alors à chaque personne de suggérer une action pour résoudre ou améliorer le problème décrit sur la carte rouge qu’il a en main.
A partir de ce moment là, tout le monde peut participer, mais il est à mon avis important que la première idée vienne de la personne qui tient la carte.
En effet, il n’est pas rare que les meilleures solutions viennent de quelqu’un d’autre, quelqu’un avec un peu plus de recul et un point de vue différent. Il arrive parfois qu’on soit tellement concentré sur le problème qu’on passe à côté d’une solution évidente.
Ecrivez toutes les suggestions d’actions au tableau, en utilisant l’activité de votre choix. Par exemple, j’aime bien, utiliser l’activité “short subjects” (activité 7.4, p. 112 du livre d’Esther et Diana).
4. Décider quoi faire
Maintenant, vous avez tout un tas de propositions d’actions au tableau. Vous devriez en choisir 2 ou 3 à prendre dans le prochain sprint. Ne prenez pas trop d’actions, surtout si les actions en actions demandent du temps. Ne prenez que des actions que votre équipe est capable d’adresser. Sinon, rétro après rétro, les membres de l’équipe vont commencer à se demander à quoi cela sert de prendre des actions si on ne les réalise jamais.
Si vous avez beaucoup d’actions, utilisez n’importe quelle technique pour n’en choisir qu’un nombre limité.
Par exemple, vous pouvez donner à chaque membre de l’équipe 3 votes et faire voter les gens pour leur action favorite. Prenez les 2 ou 3 actions qui ont remporté le plus de votes.
Même si ça peut être frustrant au début, l’avantage du nombre limité de cartes par personne en début de rétro est qu’au final, vous ne devriez pas avoir trop d’actions proposées.
5. Clore la rétrospective
Conclure la rétrospective en remerciant tout le monde pour sa participation. Vous pouvez également utiliser une activité de fin de rétrospective.
Par exemple, vous pouvez utiliser le ROTI (Return On Time Invested, activité 8.5, p.126 du livre de Esther et Diana). Le ROTI est un indicateur de comment les participants ont perçu le temps qu’ils ont investi en participant à cette réunion sur une échelle de 1 (“aucun bénéfice par rapport au temps investi”) à 5 (“Je n’aurais pas pu mieux utiliser mon temps”).
Vous pouvez bien entendu prendre une photo du ROTI et l’envoyer à votre équipe et pourquoi pas la partager également avec nous !
Conclusion
Cette activité de rétrospective a été testée de nombreuses fois, et elle peut amener un peu de changement dans votre routine. Elle n’a rien de révolutionnaire, mais si vous sentez que vos rétros tournent en rond, que les participants sont un peu trop dans leur zone de confort, alors ça vaut vraiment le coup de l’essayer !
Je l’ai personnellement utilisée plusieurs fois et chaque fois, les retours ont été plus que positifs.
Voici les points positifs que j’ai noté :
- améliore la communication entre les membres de l’équipe
- permet d’évaluer (et d’améliorer) la cohésion de l’équipe
- permet de réduire les malentendus et les tensions en “échangeant les rôles”
Je recommanderais cette activité dans les cas suivants :
- une équipe pas trop grande (afin de garder la rétro courte)
- si vous observez des problèmes de communication dans l’équipe
- si il y a des tensions entre les membres de l’équipe
- si vous souhaitez réduire le nombre de posts-its
- quand les membre de l’équipe ne se connaissent pas beaucoup (ou en début de projet, après 2 ou 3 itérations)
En échangeant les rôles, les gens essaient de se mettre dans la peau des autres et parfois, je remarque que c’est suffisant pour résoudre les problèmes, atténuer les différences et les tensions. Cette activité amène toujours de bons échanges et j’ai remarqué que les actions de rétro émergeaient naturellement de la discussion.
Alors, pourquoi ne pas l’essayer dans votre prochaine rétrospective ?
Le cas échéant, n’hésitez pas à nous partager votre feedback !