Je travaille depuis plusieurs années dans la transformation culturelle : agile, nouvelles méthodes de travail, innovation, sens entrepreneurial, sens de l’initiative et de la transmission. Mon travail consiste à accompagner des équipes, managers, directrices et directeurs dans ce passage “pas à pas” vers une forme d’organisation qui les convient.
Dans ce cadre et ce métier, je suis rarement seul. Nous travaillons en équipe de transformation, et il nous arrive assez souvent de faire usage “d’événements” pour transformer. Réunir un groupe de personnes pour une conférence, un atelier de travail, un serious game, un débat, une mise en relation… L’événementiel productif et l’événementiel de lien est devenu un sport. Et avec les années d’expérience, on a plaisir à regarder ses erreurs de pratiques de ses débuts, en en riant avec un “Je faisais vraiment n’importe quoi”
Je vous raconte ci-dessous une anecdote, ou plutôt un patchwork d’anecdotes mises ensemble, que j’ai décontextualisées avec des […] pour que vous y mettiez le décor et la teneur que vous y souhaitez.
Ce scénario vous rappelle-t-il quelque chose ?
Scène : Deux accompagnants à la transformation, un espace café, un temps de pause au milieu d’une journée à remous
– J’ai encore des problèmes de posture dans l’équipe […], ils auraient probablement besoin d’être formés ou au moins de prendre des repères sur […]
– Ah tiens j’ai le même soucis un peu chez […], et je me suis dit que j’allais t’en parler parce qu’on pourrait justement mettre en commun nos forces et faire d’une pierre deux coups avec un événement.
– A quoi tu penses ?
– J’imaginais un atelier, on commencerait par un icebreaker qui […] et ensuite une activité […]. Qu’est ce que t’en dis ?
– Pas mal. Et comment on finit ?
– Comment ça “comment on finit” ? Je t’ai dit l’icebreaker […] qui les réveille et l’activité de […], ça leur permet de travailler […]
– Et bien comment finit-on la session ? Comment est-ce qu’ils digèrent tout ce qu’ils auront fait ? Vers quoi tu les emmènes ensuite ?
– Ah ça, on verra bien si on a le temps. Déjà faisons les venir, j’ai pensé à faire quelques images sympas et j’ai un petit pitch prêt.
– Ok très bien allons-y.
[…] Quelques jours passent, on prépare l’icebreaker et l’atelier. Ensuite après 80% du travail, on complète lentement par petites touches jusqu’à la date fatidique […]
L’événement a lieu. L’icebreaker et l’atelier semblent s’être bien déroulés. En session, nous avons couru derrière la montre jusqu’à la fin. Pas vraiment eu le temps pour un debriefing, à part un petit
“Alors qu’est ce que vous en avez pensé ?”
où deux trois motivé(e)s ont pu s’exprimer devant les autres avec de concis “C’était bien.” ou “A refaire c’est sûr”, le tout dans la limite du temps imparti (le fameux “bon il reste 2 minutes avant d’aller manger”).
Pas vraiment eu l’opportunité de décanter plus de détails. Pas grave, on relancera avec un mail de remerciements aux participants et si on en a le courage on y mettra un petit sondage.
La suite de l’histoire est un peu plus étalée dans le temps que des dialogues.
Une fois l’événement terminé, l’énergie retombe, il n’y a plus rien de très excitant à imaginer, nous n’avons plus d’attention à capter, plus de délai à vraiment tenir. L’équipe ou les participant(e)s ont envie de revenir à leur quotidien, au moins pour s’y reposer. Ce qui reste ressemble surtout à de la corvée.
L’équipe d’organisation tarde à produire un sondage, mais un dernier coup de collier nous permet de le sortir en moins d’une semaine ! C’était moins une, et pas facile après l’événement, parce que la vie reprend.
En effet, tout le travail qu’on avait mis de côté pendant l’événement est revenu sur nous comme les torrents d’eau d’un barrage qu’on aurait trop longtemps maintenu fermé. Aha bonjour le document à finir qu’on avait mis de côté ! Et les mails empilés qu’on n’a pas regardé, les voici ! Au fait où en étions-nous dans ce dossier ? Besoin de reprendre contact après s’être coupés pendant quelques temps.
Et hop, le tourbillon reprend, on se donnera un coup de stress au prochain événement, d’ici là, gérons nos affaires courantes.
Qu’est-il advenu du fameux sondage ? Trois répondants en 3 semaines sur trente participants. Pas grave, on fait discrètement passer ça sous le tapis. De toute façon on a encore quelques souvenirs “Les gens étaient contents”, “Et il y a même un tel qui a reparlé de …”.
La conséquence d’ici le prochain événement ? De vagues souvenirs du précédent. Et puis il y aura des nouveaux qu’il faudra reformer. On s’est bien fatigués dans cette histoire, mais on aura rechargé d’ici là.
Est-ce que l’événement a vraiment eu des effets ? Si oui lesquels ? On verra bien avec le temps.
Mais pourquoi a-t-on beaucoup plus facilement goût à ouvrir qu’à fermer ?
Sans continuer trop longtemps dans le mash-up d’anecdotes ci-dessus, voici, avec prise de recul de ces quelques années, une petite liste de raisons pour lesquelles on ne pense pas souvent à “l’après événement” ou même à la fin de l’événement. Je précise que toute cette liste n’a rien de scientifique, que ce n’est qu’un ressenti, et que je serai ravi de lire des retours et des échanges d’expérience à ce propos.
- On préfère naturellement s’occuper d’un problème présent, d’un effet direct que d’un problème à venir.
- Il peut en effet être dangereux de trop prévoir ou de trop rigidifier l’avenir, surtout après un événement
- C’est toujours plus facile et agréable de se projeter dans l’imagination d’un événement que dans le suivi de ses conséquences à terme, au même titre qu’on se projette plus facilement son départ en vacances que son retour au bureau, ou bien un bon dîner plutôt que la vaisselle qui va suivre.
- Quand l’attention n’est plus sur nous (organisateurs) après un événement, on se relâche plus facilement.
- Quand à la fin d’un événement, l’énergie est retombée par fatigue naturelle, il est plus difficile d’opérer quoi que ce soit.
- On déborde souvent sur les différentes phases d’un événement (début, milieu,etc), et la fin est parfois gérée “comme on peut” avec le temps qu’il reste.
- Ce qui se passe “après” l’événement est souvent une somme de micro-actions pour lesquelles on a rarement la capacité d’intervention (raison pour laquelle on a justement créé un événement pour mutualiser les premiers pas !)
Les conséquences invisibles de ces préférences : le manque de conséquences !
Retour à la mission de transformation : Que se passe-t-il après un événement “sans suite” ? Les participant(e)s retournent ils / elles dans leurs quotidiens avec un éveil et une capacité incroyable à changer les choses ? Ou bien garde-t-ils/elles juste un bon souvenir, et une volonté de changement qui se heurte au mur et à la friction d’un environnement si habituel qu’on va y rentrer en s’y recourbant ?
L’idéaliste souhaiterait croire en la première option, le terre-à-terre a eu le temps d’observer plus souvent la deuxième.
L’être humain apprend et ancre par répétitions espacées. Sans cet effet, un événement unique ne serait presque qu’une captation temporaire d’attention. Les quelques hauts et bas émotionnels ne s’ancrent pas forcément assez pour déclencher un mouvement qui s’inscrit dans la continuité d’une transformation. On a troqué l’effet pour “l’effet waouh”.
Est-ce que c’est une raison pour abandonner ? Comme d’habitude : NON ! Nous sommes encore là sur le terrain pour affronter les défis !
Le closing : Le premier mètre du dernier kilomètre !
Dans la transformation, il y a BEAUCOUP plus de travail sur la suite et la fin d’un événement (conférence, atelier, serious game, etc) que sur le moment même. Accompagner les participant(e)s jusqu’au bout après l’événement, c’est faire ce “dernier kilomètre” pour livrer l’effet (pas juste réunir des personnes pour admirer l’entrepôt). Bien sûr on ne traite pas en un seul événement
Et le premier pas de ce dernier kilomètre se fait dès la fin de l’événement
(Comme vous l’avez deviné avec la phrase ci-dessus, je n’aborderai pas directement ce qui se passe après l’événement…
Et là vous vous dites : QUELLE ARNAQUE cet article ! Tout un discours pour souligner qu’un événement doit avoir un bon suivi, pour ensuite n’aboutir que sur la fermeture d’événement !
Toutes mes excuses s’il y a déception. Hormis le fait qu’on ne puisse pas résumer facilement les grandes lignes de ce sujet complexe dans un article, je préfère centrer sur le premier pas qu’est le closing)
J’ai rarement vu un closing, une fermeture, un debriefing aussi bien structuré ou soigné qu’un début ou milieu d’atelier. En effet, débriefer n’est pas forcément le métier principal des organisateurs et organisatrices d’événements, et l’ingénierie disponible en ligne est beaucoup plus pauvre que celle par exemple des icebreakers.
Or Bien Finir, ou finir en beauté, contient beaucoup de subtilités, et après le premier tour de pourquoi qu’a constitué le début de l’article, voici quelques comment :
- Comment bien faire digérer le moment ?
- Comment en profiter pour faire s’exprimer ce qu’il reste ?
- Comment rendre un moment inoubliable grâce à la célébration ?
- Comment réutiliser, dans la continuité, toute l’énergie qui a été mise pour réunir et capter l’attention ?
- Comment préparer le futur en peu de temps ?Et avec des personnes fatiguées ?
- Comment créer l’engagement au dernier moment ?
- Comment équilibrer avec le fun et l’envie de se relâcher ?
Loi de l’apogée
Pas encore convaincu ?
Evoquons brièvement la loi de l’apogée : C’est bien la fin d’un événement qui marquera l’audience.
Retenez-vous le feu d’artifice ou son bouquet final ? Aimez-vous des films à la fin bâclée ?
Pour en découvrir plus, je vous propose cette très bonne vidéo !
Closing Cookbook, un premier pas sur l’ingénierie des closings
Tant de questions, et si peu de réponses ! On aimerait au moins des réponses approximatives, ou des réponses suffisantes pour donner envie de se poser encore plus de questions !
Dans la continuité de ce que Robin BERAUD-SUDREAU, Marilyn KOL, Alice BARRALON, Romain COUTURIER, Olivier MY, et Yoan LUREAULT ont initié avec Icebreaker Cookbook et le collectif Cookbook en général, j’ai le plaisir aujourd’hui de vous présenter Closing Cookbook
Closing Cookbook est un livre qui permet de mieux préparer et effectuer ses fins d’événements. Grâce à bien sûr une liste classifiée de moments collectifs utilisables en fin d’événements, mais aussi des grilles de lecture, des analyses, des combinaisons, de la prise de recul issue de nos expériences en accompagnement et en événementiel.
Voici une grille de rangement par exemple, qui permet de classifier les exercices de fermeture par type de temps adressé
Comme avec le reste des productions, nous n’avons pas la présomption de déclarer Closing Cookbook comme une solution ultime à tout, qui fait le café (même si on en parle) et qui a toujours raison. Aussi, une partie des données brutes que nous avons produites pour le Cookbook sont disponibles pour réutilisation, amélioration, retransmissions, sur le site openseriousgames.org
Le closing Cookbook s’accompagne également de sa propre version des Debriefing Cards, qui s’accompagne des illustrations d’Alice BARRALON dans un design par Robin BERAUD-SUDREAU
Le Collectif des Gourmets de Cookbook
Nous avons eu l’incroyable chance d’avoir été relus en version 1 par le collectif “Les Gourmets de Cookbook”, des férus d’intelligence collective qui vivent le sujet avec goût, subtilité, passion et ambition !
Réunis la première fois avec un meetup du collectif Cookbook, les Gourmets est une communauté née en ligne. Les Gourmets font vivre l’art culinaire des événements, de la facilitation, et de l’accompagnement collectif !
Si ces sujets vous passionnent et que vous aimez apporter vos petites touches à cet art, contactez le collectif Cookbook pour rejoindre à votre tour le groupe des Gourmets !
Pour aller plus loin
- Découvrez Closing Cook Book de Marilyn Kol
[…] Lorsque vous êtes sur le point de devenir un coach agile, n’oubliez pas de vous renseigner sur l’entreprise, l’organisation, le produit que vous développez. Cela vous évitera de prêcher un peu trop l’agilité, de rentrer dans des discours philosophiques sur les évènements agile, et de faire perdre leur temps à tout le monde. Je ne veux pas dire qu’il n’est pas bon de faire preuve de philosophie de temps en temps, mais vous pouvez aller le faire dans votre communauté de pratique avec d’autres coachs agile. C’est une belle opportunité pour ça. Cependant, lorsque vous êtes avec les équipes ou avec la direction, concentrez-vous sur le problème à résoudre et aidez à animer la réunion, afin que le moins de personnes possible considèrent cela comme une perte de temps. Concentrez vous sur l’effet des vos interventions. […]