L’agile tour est passé par la côte Atlantique et j’ai eu la chance d’assister aux deux sessions : Le 8 Novembre à Bordeaux et le 14 à Nantes. Attardons nous ici à la première nous parlerons de la seconde dans un billet dédié.
Le premier constat est toujours le même : un authentique bain de jouvence. Comme le fit remarquer Régis Médina en keynote de clôture, les idées fusent, les initiatives bouillonnent et on sent une communauté avec de l’énergie à revendre, de nombreuses idées et un désir intact de partager.
L’idée de ce compte rendu n’est pas d’évoquer toutes les différentes présentations mais de s’attarder sur les temps forts…
Geoff C. Watts et Coaching Agile
Tout comme l’an dernier, les organisateurs ont souhaité une dimension prestigieuse et internationale avec la keynote d’ouverture. Au programme Geoff C Watts, un coach agile venant du Royaume Uni et auteur de Scrum Mastery. L’idée de sa présentation était d’établir une analogie entre le coaching aile et les principes d’éducation d’enfants donnant des adultes épanouis et heureux (en s’appuyant sur une étude passionnante sur plusieurs milliers d’enfants et sur plusieurs années).
Un excellent orateur mais une comparaison qui m’a mis mal à l’aise car on parle ici de deux choses complètement différentes pour une raison très simple : la relation parent > enfant est déséquilibrée car l’un est adulte et responsable de l’autre. Cette analogie encourage à mon sens une approche paternaliste du coaching dans laquelle je ne me reconnais pas. Je suis davantage en phase avec celle de Antoine Contal présentant le coach Lean et Agile comme un coach sportif, qui fait travailler les personnes sur un point précis jusqu’à ce qu’ils s’améliorent.
Par ailleurs la proposition de Geoff selon laquelle on doit aimer et respecter les personnes que l’on coache est très discutable et a d’ailleurs donné lieu à une conversation passionnante sur Twitter avec Cécile Roche, Elalami Lafkih, Bob Marshall, Jamie Flinchbauch, et Geoff. Ma position est la suivante : il n’est pas nécessaire d’éprouver de l’amour ou même de la sympathie pour la personne : l’empathie est ce que l’on souhaite et cela est suffisamment compliqué. Par ailleurs le respect me met mal à l’aise car cela implique très souvent une relation à ce que la personne a accompli dans son travail. Je préfère donc de la bienveillance plutôt que le respect, qui est dirigé vers la personne et pas vers ce qu’elle a accompli.
Splendeurs et misères du coaching agile
Un des temps forts a indéniablement été l’excellente présentation de Alexis Monville et Bruno Sbille sur le coaching Agile. Une mise en scène inventive et très drôle dans laquelle les 2 coachs jouent à tour de rôle au psychiatre qui reçoit un coach aux différentes phases du projet. Une série de pièges à éviter / bonnes pratiques à essayer pour chacune des étapes du projet d’accompagnement.
Encore une fois (après les billes rouges en 2011) Alexis Monville a fait preuve de tout son talent d’observateur et de comédien pour reproduire ces situations complexes dans lesquelles on se retrouve pour nous permettre de pointer l’endroit exact où se situe le problème. Bruno est probablement moins bon comédien mais il compense par son énergie communicative et sa connaissance très fine du sujet. Du très grand art : très drôle car très juste et très éclairant.
Azendoo : l’agilité comme arme stratégique
Le retour d’expérience d’Azendoo a été très intéressant. Azendoo est une start-up qui propose un outil en ligne de partage de tâches collaboratif. Cela a commencé par une présentation des enjeux de la dimension collaborative de l’entreprise du 21ème siècle par Chris Gagin. Celui-ci s’appuie sur les travaux de Stowe Boyd (Present of work Vs Future of Work) ou de Paul Graham (“Une start-up a besoin d’une croissance de 7% par semaine pour survivre”) pour nous éclairer sur le contexte et les contraintes de son organisation.
Chris a expliqué l’approche Lean Start-Up de Azenddo (une posture d’expérimentation et de questionnement permanent, le pivot fonctionnel qu’ils ont mis en oeuvre etc …) et comment l’approche de développement Agile leur permet d’avoir la flexibilité pour y parvenir. Ce qui est intéressant dans la proposition du social business selon Azendoo est que ce n’est pas la personne qui est au coeur de l’approche sociale mais bien le work item. Une approche que l’on retrouve cet article de leur blog sur la collaboration structurée, article qui résonne particulièrement avec celui de Wired.
Value Driven Development
La session sur le Value Driven Development de Laurent Carbonnaux (Valtech) a été assez complète mais un peu trop complexe à mon goût. L’idée est de présenter un framework présentant un certain nombre d’outils agiles pour piloter les développements par la création de valeur. Regroupé sous le sobriquet peu ragoûtant de Guts Laurent a présenté comment cela a été mis en oeuvre dans la DSI d’un grand groupe industriel (Michelin).
Parmi ces outils on retrouve en outre l’Impact Mapping de Gojko Adzik (cité aussi par un retour d’expérience un peu moins professionnel et convaincant sur la POrie du Product Owner) qui permet de déterminer les outils/fonctions à développer en partant du but (Pourquoi), en considérant l’utilisateur visé (Qui : le persona), le Comment et enfin le Quoi.
Laurent à rappelé que l’informatisation des processus est souvent exécutée sans se questionner sur la valeur inhérente du processus et a invité à réfléchir au processus avant de réfléchir à son automatisation. Il a rappelé que c’est ainsi que Zara (exemple que l’on retrouve expliqué dans Implementing Lean Software Development des Poppendiecks) vit avec un budget DSI à 0,2% de son budget, 10 fois moins que ses concurrents : l’effort consacré est tout autant à refondre les processus qu’à les informatiser. Une présentation instructive car dans le contexte lourd d’une DSI de grand groupe où l’approche Lean Start Up par exemple est juste impossible à mettre en oeuvre.
Le mythe du framework agile
Beaucoup plus geek a été la présentation de l’impeccable Jean Baptiste Dussault du crew Arpinum. Du super-technique pour attaquer de front les frameworks de développement full-stack (Ruby On Rails, Play, Django, Grails etc …) en questionnant leur agilité. Quelques rappels salvateurs (Les frameworks, ce n’est pas vous qui les utilisez c’est eux qui vous utilisent, On passe 20% du temps à coder les cas généraux et 80% pour les cas particuliers où il n’y a pas d’autre solution qu’aller dans les entrailles de la bête), des rappels salutaires (MVC n’est pas une architecture mais un Design Pattern), du code source (Java pour son exemple : ouf ! j’ai pu suivre, quoi, un peu).
Et des exemples pour étayer les principes d’architecture défendus par sa majesté Martin Fowler : facile à tester, facile à changer, qui permet de repousser les décisions (un des principes du Lean Software Development des Poppendiecks), qui minimise le couplage etc … Une session offensive et courageuse mais en même temps particulièrement humble dans sa conclusion avec la citation de Kent Beck : “I’m not a great programmer; I’m just a good programmer with great habits” comme en écho à cette citation splendide de Fuiji Cho.
Agile et Lean
La keynote de conclusion par Régis Médina a été encore une fois particulièrement éclairante. Après avoir été emballé par cette même présentation (en anglais) au Lean IT Summit je me demandais comment Régis allait pouvoir présenter les admirables avancées sur sa réflexion de l’articulation entre le Lean et l’Agile.
Dans le contexte de l’Agile tour, il me semblait particulièrement délicat d’expliquer que le Lean et l’Agile sont deux choses complètement différentes ; selon Régis, le premier sert à développer les personnes et le second à développer du code. La qualité de l’attention que le public lui a porté a répondu à mes doutes : s’appuyant sur son expérience (10 ans d’agile plus de 120 itérations), sa contribution à la communauté (participation à l’Agile France), ses questionnements tout en sourire, Régis a complètement conquis la salle qui en sortant ne parlait que de Lean.
Une excellente édition à laquelle j’ai apporté ma petite pierre à travers un Lightning Talk de 5 mns sur l’éloge de la User Story. Encore toutes mes félicitations à l’équipe organisatrice et à l’année prochaine !