Camarades agilistes ! Ce surprenant contexte de fin d’année m’a convaincu d’adresser un sujet clivant : le parallélisme entre le mind-set agile et l’anarchisme, au sens noble du terme (ou plus exactement l’anarcho-communisme).
Ce qui me connaissent le savent : j’aime me décrire comme étant un “organisateur de la désobéissance en entreprise“. J’entends par cette description un peu provocante que je considère avoir “réussi” une intervention quand les équipes que j’accompagne se posent de bonnes questions plutôt que de suivre un ordre sans intérêt ou exécuter “machinalement” un processus sans en comprendre les fondements. Avec cet état d’esprit nous serions toujours à l’âge de pierre !
Je suis coach et facilitateur graphique. En gros, j’aide des personnes à mieux se connaitre et communiquer, et pour le faire je leur pose des questions et leur fais des dessins ! Si, si, c’est un métier ! -Maxence Walbrou / Bloculus
Agilité et désobéissance en entreprise
Connaissez-vous la vie de David Henry Thoreau (ou Henry David 😉 ) qui, en 1850, posa les bases de la désobéissance civile.
La désobéissance civile est une forme de résistance passive qui consiste à refuser d’obéir aux lois d’une entité considérée comme non légitime. Elle a pour objectif d’attirer l’attention de l’opinion publique sur le caractère inique ou injuste d’une loi avec l’espoir d’obtenir son abrogation ou son amendement.
Pour fonctionner, la désobéissance civile repose sur les principes suivants :
- Plusieurs équipes auto-organisées
- Une organisation/structure horizontale
- Plusieurs groupes affinitaire au mandat bien définit
- Des interventions en binome
Commencez-vous à remarquer quelques affinités avec notre très chère “Agilité” ?
Agilité et anarchisme
Pour élargir le débat je vais m’appuyer sur un formidable article de Fabien Maury :
L’agilité est souvent mise en opposition avec la gestion de projet traditionnelle ou “de l’ancien monde” en partie parce qu’elle permet d’éviter l’effet tunnel mais aussi parce qu’elle aide à se remettre régulièrement en question pour s’améliorer collectivement.
Mais quels liens entre l’agilité et l’anarchisme ?
Au delà des principes amenés par la désobéissance civile, Pierre Kropotkine, célèbre anarchiste du 19ème écrit que l’harmonie dans une société est atteinte “par un incessant mouvement d’ajustement et de réajustement entre une multitude de forces et d’influences”. Cela n’évoque t-il pas la quatrième valeur du manifeste agile ?
Attention à l’amalgame
L’anarchie utopique n’est pas violente !
Elle est née du décalage existant entre l’Etat, qui essaie d’avoir une vision holistique et globale, et les citoyens qui le composent dont les objectifs sont généralement plus concrets. L’anarchie est un modèle dont le but est de s’affranchir de l’Etat tout en créant une société de citoyens libres et égaux.
L’absence d’un état central ne signifie pas absence d’organisation. L’anarchie propose une structure horizontale…vous commencez à voir paraître la notion d’auto-organisation ?
Dans son livre, La morale anarchiste, Kropotkine décrit que le concept de loi est en inadéquation avec la “Morale“. En effet, si je simplifie à l’extrême, pour Kropotkine, une loi ramène un fait à un binaire “c’est bien” ou “c’est mal”. Ainsi, les lois ne sont pas souvent justes et forcent même à se détacher de la morale.
L’anarchie est un modèle sans lois et sans personnes pour les appliquer. Pour que cela fonctionne, ce modèle prône la responsabilisation de chacun et des décisions collectives.
Pour reprendre l’exemple de Fabien :
“Ainsi, une personne incivique dans les transports ou s’accaparant trop de ressources serait aussitôt stoppée par la population. Cette dernière ne pouvant plus se reposer sur une autorité tierce pour faire respecter l’ordre. Cela remettrait l’éthique et la morale au centre de la société et des préoccupations des citoyens. L’effet positif serait de remettre toutes les formes de violences (physique, sociale, etc.) sur un pied d’égalité.”
Mais pourquoi dire que l’agilité est de l’anarchie en entreprise ?
Définition du mot “processus” dans le Larousse
Un processus est une suite continue d’opérations ou d’actions, définies par un groupe et constituants la manière de faire ou de fabriquer quelque chose.
Définition du mot “loi” dans le Larousse
Une loi est une règle de conduite, établie par l’autorité souveraine de l’État et applicable à tous. La loi définit ce que l’on a le droit ou le devoir de faire.
Pouvons nous donc dire qu’un processus est une loi d’entreprise ?
Ainsi l’agilité qui cherche à les améliorer, à les remettre en question…en tout cas à ne pas les appliquer “bêtement” n’est-elle pas proche de l’anarchie ?
Une vraie transformation agile n’est elle pas difficile à mener que de mettre en place l’anarchisme dans un régime autoritaire ?
Pour aller plus loin
Cependant, dans un état démocratique, la désobéissance civile ou l’anarchie, sont-elles, elles-mêmes légitimes ? Si les lois et les politiques sont définies par un gouvernement émanant d’un suffrage universel, peut-on admettre que des citoyens – même avec des motivations éthiques très respectables – organisent des actions illégales en vue d’obtenir la modification des lois et politiques qu’ils réprouvent ?
Je vous laisse vous faire votre avis !
Quelques compléments
- Conférence “Agile Pays Basque 2018” : Back to the Agile
- L’anarchisme confronté aux entreprises de Fabien Maury
- Agilité, Anarchie et un peu plus à MiXiT 2017 de Olivier My
Salut Robin !
fabien M. et moi-même avons fait une conférence sur le sujet à l’Agile Tour Rennes cette année !
Une version précédente à MiXiT avait été filmée : http://oyomy.fr/2017/04/agilite-anarchie-et-un-peu-plus-a-mixit-2017/