Les Wardley quoi ?
Bonjour les agilistes ! Vous avez déjà entendu parler des Wardley maps ? De mon côté, je m’intéresse à cet outil depuis fin 2018 sans avoir pris le temps, jusqu’à ce jour, de l’approfondir réellement pour en comprendre les possibilités. Et pour cause, bien que totalement gratuit, et j’en remercie Simon Wardley, son cout d’appropriation est vraiment élevé : un livre de plus de 700 pages à décortiquer (vous le trouverez ci-dessous), des vidéos à foison sur le net explorant toutes des parties différentes des outils offerts par Simon (Doctrine, Maps, …). Bref, il est très facile de se disperser sans en tirer beaucoup. Et ce serait vraiment dommage ! Car ce sont d’excellents outils, aux multiples bénéfices à ajouter à votre besace. Voyons pourquoi au travers d’une série d’articles.
Dans ce premier article, je me propose d’aborder l’intérêt des Wardley maps dans les yeux d’un Product Manager. Dans l’idée, j’essaie en quelques minutes de vous faire gagner la lecture de 50 pages en anglais 😉 D’autres articles, permettant de pousser plus loin sur des sujets tels que la stratégie produit, les doctrines, les comportements à adopter au regard de cette stratégie pourraient voir le jour si ce premier jet vous plait. Donnez-moi votre feedback en fin de lecture dans les commentaires !
Parlons chaine de valeur
Le concept de chaîne de valeur, formalisé par Michael Porter, est simple à comprendre et puissant car il peut vous aider à définir une bonne stratégie pour un produit… et par extension pour une organisation. Ainsi, avant de voir en quoi les Wardley maps peuvent vous aider à définir une stratégie pour votre produit, revenons rapidement dessus :
Pour répondre à un de ses besoins, un utilisateur fait appel à toute une chaine d’activités, interconnectés les unes aux autres. Cette suite d’activité représente la chaine de valeur. Au sein d’une chaine de valeur, les activités sont appelées composantes. Dans l’exemple ci-contre, Benjamin a faim. Il souhaite manger des cookies. Etablissons une chaine de valeur rapidement : Pour que Benjamin puisse déguster un cookie, il faut que ces activités aient lieu :
- Benjamin veut manger un cookie. Pour se faire, il doit
- acheter un cookie. Pour pouvoir acheter un cookie, il faut
- Que celui-ci soit produit, c’est à dire qu’il soit :
- cuit, mais avant cela cuisiné. Or pour préparer la pâte à cookie, il faut
- de la farine. Farine qui doit elle-même être
- produite quelque part
- ….
Je m’arrête là. Vous avez quelques composantes de la chaine de valeur. Quelques composantes ? Eh oui : Vous noterez le côté fractale d’une chaine de valeur : On peut zoomer ou dézommer à volonté sur chaque composante. Remarquez aussi que les composantes ont une relation de dépendance. Dans mon exemple, A dépend de B qui dépend de C, etc…
Commençons à évoquer la stratégie
Sans aller plus loin sur ce sujet pour l’instant, je vous invite juste à noter que pour chaque composante, il est possible de trouver des alternatives. Ces alternatives pourraient donner naissance à de nouvelles ramifications de notre chaine de valeur. Pour reprendre mon exemple, il est tout à fait possible, pour répondre au besoin de Benjamin, de simplement réchauffer des cookies préalablement achetés surgelés. Vous commencez peut-être à visualiser à ce stade en quoi les Wardley maps peuvent aider à définir une stratégie produit. Mais cela va bien plus loin. Reprenons en parlant de cartographie.
Parlons cartographie
Car oui, lorsqu’on souhaite établir une bonne stratégie, on se rend rapidement compte qu’elle est intimement liée à la notion de cartographie. Cartographie de l’environnement, du contexte,…
Vous en doutez ? Prenons comme exemple les guerres médiques (vous avez vu le film 300 ?). Dans les grandes lignes : Les Perses attaquent les Grecques qui souhaitent simplement se défendre. Dépassés numériquement, les Grecques se devaient d’établir une bonne stratégie. Ils décidèrent d’envoyer leur flotte bloquer les navires Perses pour forcer ceux-ci à passer par les terres, en l’occurrence les gorges des Thermopyles.
Plus que mes mots, vous pouvez visualiser sur la carte ci-dessous, à gauche, les mouvements de troupes, les déplacements, … permettant d’établir cette stratégie. La carte est organique, visuelle. Les déplacements des composantes (ici les troupes) ont un sens, la distance 2D sur la carte à un sens… ce qui n’est pas le cas d’un grand nombre de “fausses cartes” que nous utilisons en entreprise, souvent pour définir une stratégie produit, et cela peut être un problème.
En effet, en entreprise, lors de nos ateliers, pour définir une stratégie produit, établir un backlog, comprendre un environnement, visualiser nos forces ou nos faiblesses, qu’utilisons-nous ?
Des systems maps, des mind maps, des process maps, des context maps, des value stream maps …Hors, toutes ces cartes ont un point en commun : CE NE SONT PAS DES CARTES !
Qu’est-ce qu’une carte ?
Pourquoi ? Comme nous l’avons évoqué, un carte se doit de posséder des composants, une ancre qui sert de point de repère et surtout : Les déplacements par rapport à ce point de repère ou par rapport aux autres composants ont un sens. La distance à aussi un sens !
Avant d’entrer dans le vif du sujet, pensez-vous que les Grecques auraient pu marquer l’histoire en bloquant longuement les Perses dans les Thermopyles s’ils avaient utilisés un SWOT plus qu’une carte ?
Parlons stratégie en cartographiant la chaine de valeur
Ici je paraphrase un peu Caroline qui a écrit un excellent article sur le sujet. Simon Wardley nous propose une carte pour établir une stratégie contextualisée et ouvrir le dialogue.
Dans notre monde qui se VUCAise, à la complexité croissante, ou tout accélère, nous avons besoin d’outils permettant de bien comprendre notre environnement afin d’établir une stratégie appropriée, intégrant le contexte dans lequel nous vivons, les innovations et le niveau de maturité des produits. Une “carte” dynamique, non linéaire et nuancée. Un outil riche permettant de visualiser l’ensemble de la chaîne de valeur proposée en partant du besoin utilisateur, et de positionner les éléments en fonction de leur degré de maturité.
Et la bonne nouvelle c’est que cet outil, les Wardley Maps, existe et qu’il est disponible gratuitement. Le cout d’appropriation est de maitrise est néanmoins élevé MAIS il existe au-delà de cet article un livre de plus de 700 pages vous permettant d’entrer dans toutes les subtilités des Wardley Maps et de vraiment cerner ce qu’elles peuvent vous apporter. N’hésitez pas, il est téléchargeable ici :
Comment est construire la carte de Wardley ? Il faut tout d’abord distinguer deux axes.
Le premier représente la chaine de valeur. Comme nous l’avons dit précédemment, une bonne carte nécessite un point de repère. Ici c’est l’utilisateur. Nous avions aussi évoqué que sur une carte la distance à du sens. Dans une carte de Wardley, plus un composant est loin de l’utilisateur, moins il est visible de ce dernier. Rassurez-vous, nous reprendrons bientôt notre exemple avec Benjamin qui souhaite dévorer un délicieux cookie.
Le second axe représente lui le degré de maturité d’un composant. Mon collègue et ami, William Bartlett, m’a fait prendre conscience du danger de l’utilisation du mot “maturité”. En effet, il est tout autant bénéfique d’être dans l’innovation que dans la zone plus stable de commodité. Aussi, j’utiliserais pour la suite de l’article le mot “évolution”.
Les 4 étapes clés permettant de représenter l’évolution d’un composant sont :
- genesis : la genèse d’une idée, d’une intuition jusqu’à son prototype et quelques premières expérimentations
- custom built : premières utilisation par des utilisateurs réels, nécessitant d’améliorer le produit tout en l’adaptant aux demandes spécifiques
- product : produit clairement défini, qui fonctionne
- commodity : produit standardisé, courant, qui peut générer de grandes économies d’échelle
Reprenons maintenant notre exemple :
Comme vous le voyez, a partir de la chaine de valeur il est relativement simple de bâtir une première version, sur laquelle il faudra itérer, d’une Wardley Map. Pour l’instant c’est un bon outil vous permettant de :
- Identifier les axes d’évolution possibles pour votre produit
- Anticiper l’inertie de changement
- Identifier des risques (si une activité clef repose sur un composant qui n’est lui même pas maitrisé)
- Aider à décider “Build vs Buy”
- Communiquer clairement et à tout le monde sur les orientations que nous aimerions que notre produit prenne.
et c’est tout… mais c’est déjà pas mal non ?
Comme évoqué, j’aimerais écrire une suite d’article pour pousser plus loin sur la stratégie, les doctrines et plusieurs autres sujets. Mais en attendant et pour ne pas vous laisser sur votre faim, je vous recommande vivement de regarder la conférence “Crossing the River by Feeling the Stones” que vous trouverez ci-dessous. Vraiment, regardez la, c’est un super talk de Simon !
Avez-vous vu la vidéo ? Top ! Continuons donc avec quelques remarques :
- Une Wardley maps est toujours fausse,
- Néanmoins l’activité de cartographie est extrêmement utile.
- Pour qu’une carte soit utile, il faut la faire vivre, la partager, l’utiliser.
- Certains trouveront qu’il y a toujours trop de composants. Ce n’est pas grave, enlevez-les !
- D’autres trouveront qu’il n’y a pas assez de composants. Ce n’est pas grave, ajoutez-en !
Et c’est vraiment tout pour aujourd’hui ?
Pas tout à fait, en farfouillant sur internet, je suis tombé sur un extrait de cette vidéo de la chaine DDD FR. On y voit une combinaison d’une carte de contexte et d’une Wardley maps. Vous trouverez ci-contre une capture d’écran de la vidéo. L’idée me semble excellente, elle permet par exemple d’éclairer certaines décisions d’organisation d’équipes, de topologies d’équipes (cf. Team Topologies), de responsabilités, de collaboration.
En effet, que penser, par exemple, d’une équipe dont le champ d’action va de la genèse à la commodity ? Les pratiques de développement différent dans ces zones. Bref… un autre sujet à creuser qui montre les possibilités multiples des cartes de Wardley !
Pour aller plus loin
Après cette courte introduction, simpliste, aux Wardley Maps, vous aurez peut-etre envie d’en découvrir plus. Je vous recommande donc ces articles :
- Getting Started with Wardley Maps de Gerard Chiva
- La cartographie selon Simon Wardley de Caroline Allain
Merci aussi à William pour ses retours sur cet article… et leurs potentielles suites !
N’y a-t-il pas un problème de traduction en français des Termes associés aux Concepts de Value Chain et de Value Stream … ?
Cf cet article de 2015 :
https://www.bainstitute.org/resources/articles/business-architecture-value-streams-and-value-chains